Institut des Territoires Coopératifs

24 septembre – Familles Rurales

Boitron (Orne) – Rencontre avec les acteurs de l’association Familles Rurales de la région d’Essay, de l’Ecloserie numérique de Boitron, et du lycée agricole de Sées.

Son action

Familles Rurales est une association nationale qui agit en faveur des familles sur tout le territoire, en milieu rural et périurbain, pour les représenter et les accompagner en leur offrant toutes les chances de s’épanouir. L’association est pluraliste, indépendante et laïc. Son projet est humaniste et social, fondé sur la famille, les territoires et la vie associative.

Familles Rurales de la région d’Essay est l’une des 2200 associations locales du réseau. 250 familles du territoire en sont adhérentes et s’investissent régulièrement dans plus de 15 activités de loisirs, pour tous les âges de la vie : pilates, zumba, danse, gym senior, gym douce et adaptée, gym tonique, randonnée, art floral, échange de savoir-faire, activités ados… Elle est également un espace de vie sociale, conventionné par la CAF.

L’association développe des partenariats avec d’autres acteurs de l’écosystème territorial, comme par exemple le lycée agricole de Sées et particulièrement son BTS DATR (Développement Animation des Territoires Ruraux, et l’Ecloserie numérique de Boitron, premier tiers-lieu en zone rural de France, créé en 2009.

Par ailleurs, Familles Rurales est également chef de file d’un autre projet MCDR, le projet PORT@IL, d’expérimentation et d’accompagnement de 25 tiers-lieux en zone rurale, au cœur de 12 départements. Essay est l’une de ces expérimentations. Dans un désir de croiser les enseignements entre projets MCDR pour mieux contribuer au développement rural, nous avons organisé cette étape de l’Observatoire de l’Implicite à Essay.

Ce qu’ils retiennent de la journée

Des résonances avec nos travaux

Avec tous les collectifs que nous rencontrons désormais, nous reprenons dans notre journal d’itinérance trois points clés que la rencontre a permis d’explorer et de questionner.

Lors de la rencontre informelle de découverte de nos projets respectifs, hier soir, nous étions frappés du niveau d’engagement sur le territoire. Du nombre de participants aux différentes activités proposées, au nombre d’activités elles-mêmes, en passant par leur pérennité ou leur renouvellement. Aujourd’hui, nous comprenons la compétence clé à l’origine de ce niveau remarquable d’engagement : au sein de l’association « Familles rurales de la région d’Essay », il y a une méthode implicite, une manière de faire assez rare et précieuse. Les acteurs que nous avons rencontrés sont en permanence à l’écoute des savoir-faire disponible sur le territoire, et vont solliciter les personnes qui les détiennent pour les partager. Au minimum, cela produit un atelier d’un jour lors d’une animation. Mais cela peut également déboucher sur une activité pérenne, des acteurs du territoire qui sont valorisés, prennent des responsabilités et continuent de tisser ainsi le réseau territorial. L’un des animateurs dit explicitement aller au devant de personnes qu’il n’apprécie pas toujours ou avec lesquelles les relations peuvent être difficiles, simplement parce qu’il sait que ces personnes-là ont une compétence, ou une passion, qui pourrait être partagée. Et il ajoute que bien souvent, les relations que l’on aurait pu penser difficiles deviennent finalement agréables. Cette méthode est implicite, mais elle redéfini le travail d’animateur territorial : identifier des compétences, aller à la rencontre des gens, de manière inconditionnelle, et leur donner la place pour qu’elles puissent décider de prendre des responsabilités. Cela créé de l’engagement. L’une des observatrices de la rencontre disait sa surprise de voir la jeunesse des personnes engagées : c’est sans doute là encore les fruits de cette approche.

A la question « Qu’est-ce qui vous incite à être là ? », posée à des personnes appartenant à des collectifs différents et réunis par Familles Rurales, la réponse dominante est « Parce que nous sommes d’ici : c’est notre territoire. Si nous sommes invités pour réfléchir ensemble, nous répondons présent naturellement ». Nul besoin d’un projet commun. L’oeuvre commune est le territoire, et les acteurs en sont de fait, par leur appartenance, les co-auteurs. Nous ne résistons pas à partager cette image que Dorothée mentionne pendant la rencontre, de ces tableaux de fils et clous très à la mode il y a quelques décennies : c’est grâce aux fils, reliés les uns aux autres que l’image peu à peu apparaît. Ce sont les liens qui unissent les acteurs qui forment le territoire, comme le cheval ci-dessous (nous sommes dans l’Orne tout de même !). Il y a quelque temps, nous témoignons à une table ronde sur « Qu’est ce qu’un territoire coopératif« . Nous en avons ici un.

Troisième enseignement de notre rencontre à Essay : nous sommes en présence de personnes qui ont développé une sensibilité aux « signaux faibles », ces signes discrets qui néanmoins indiquent des risques de déséquilibres dans les dialogiques qui constituent les principes d’action de la coopération, et une aptitude à agir en conséquences. Quelques exemples : l’activité randonnée est supposée être pour tous. Peu à peu, quelques personnes ne viennent plus… (signal faible). On les questionne : il s’avère qu’ils trouvent que le groupe, qui peu à peu prend de l’expérience, marche trop vite ou trop longtemps. Qu’à cela ne tiennent, il y aura maintenant 2 jours de randonnée, le mardi pour une marche plus longue, plus rapide, et le jeudi pour une marche plus tranquille. Deuxième exemple : les enseignants qui détectent leur propre écart entre intention et comportement dans leur rapport à l’échec : ils disent à leurs élèves que l’échec n’est pas grave, est formateur, que c’est le chemin qui compte… mais dans leur propre fonctionnement, ils font tout pour éviter l’échec à tout prix, et les élèves le voient. Remise en question individuelle, réajustement des pratiques. Troisième exemple : « entre objectif et contrainte », le risque est bien connu de perdre de vue l’objectif quand les contraintes sont fortes. Pour éviter cela, le collectif choisi des méthodes qui évitent les contraintes ! Et le collectif va au bout de ces choix, puisque par exemple, il décide de ne pas répondre aux appels à projets, qui en échange de financement, amènent souvent les acteurs à sortir du chemin qu’ils avaient choisi. Et il nous semble que cette maturité coopérative territoriale rayonne et finit par être contagieuse. Au final, le tiers-lieux de Familles Rurales à Essay n’est pas localisé dans un bâtiment. Famille Rurales fait du territoire un tiers-lieux.


L'InsTerCoop est un laboratoire d’action-recherche sur le processus coopératif, et un centre de ressources et de ressourcement au service des personnes, des organisations et des territoires pour croître en maturité coopérative et faire de la coopération une source de développement et d’épanouissement.