Institut des Territoires Coopératifs

26 septembre – Hannetons

Nous traversons aujourd’hui la forêt de Mayenne, entre Andouillé et Vautorte. C’est avec le site IGNRando que nous avons construit notre itinéraire, sans réaliser que la Forêt de Mayenne est privée. A pied, le demi-tour étant beaucoup trop coûteux, nous nous faufilons, parfois difficilement, entre les barrières qui en réservent le passage aux ayants droit.

Au sol, particulièrement visibles sur la petite partie goudronnée que nous empruntons, des milliers de hannetons font surgir dans la mémoire de Patrick, cette belle chanson de Frederik Mey écrite en 1974, « Il n’y a plus de hannetons », qu’il a eu l’occasion de chanter avec sa guitare lorsqu’il s’aventurait dans les cafés du quartier latin à Paris. Si vous voulez un peu de poésie avant de poursuivre votre lecture, cliquez donc ci-dessous…

Nous avions toujours cru que « compter les hannetons au kilo » était une exagération de poète. Mais non ! Une recherche sur internet nous apprends qu’à 20 kms de là, à Gorron, entre le 8 mai et le 12 juin 1887 (oui, ne cherchez pas l’erreur de frappe, 1887), on ramassa à la main sur le canton, 75 tonnes de hannetons, soit près de 100 millions de hannetons adultes. Un autre article cite une page de « L’année scientifique » de 1888 où l’inspecteur primaire d’Ernée (Mayenne), à 5 kms, raconte comment les élèves étaient chargés de détruire les hannetons. Sur une campagne de « hannetonnage », ils en avaient détruits 65 millions d’insectes, pour un potentiel de 1,2 milliards de vers blancs, permettant d’éviter une perte de 12 millions de francs à l’agriculture locale.

De tout temps, le hanneton a été considéré comme nuisible et comme un véritable fléau. Dans « Le scarabée et les Dieux », Yves Cambefort raconte qu’en 1497, les hannetons furent même l’objet d’une condamnation divine :

L’évêque de Lausanne chargea un clerc d’aller proclamer aux hannetons, en latin, une sommation à comparaître avant 6 jours devant le tribunal épiscopal. Les hannetons ne bougèrent pas des champs et ne vinrent pas au tribunal… Après leur avoir accordé un sursis, un second mandement fut proclamé, où ils étaient qualifiés de « vermine détestable, qu’on ne peut appeler animale, ni d’ailleurs nommer en aucune façon ». Mais ces créatures innommables n’en furent pas autrement émues. Comme elles ne voulaient rien entendre, il fallut se résoudre à sévir : le clergé se rendit en procession dans les champs et la sentence suivante fut rendue :
« Nous, Bénédict de Montferrat, évêque de Lausanne, ayant entendu la plainte des fidèles de notre diocèse à l’encontre des hannetons, armé de la très Sainte Croix et tourné vers Dieu, de qui proviennent les justes sentences, déclarons coupable l’infâme engeance des hannetons, les frappons d’excommunication et les maudissons au nom du Père, et du Fils, et du Saint Esprit « . Ce jugement est resté célèbre comme un des seuls cas d’excommunication prononcée à l’encontre d’insectes ! »

« Le scarabée et les Dieux », Yves Cambefort

Après la deuxième guerre mondiale, l’usage du DDT (interdit depuis) s’est généralisé et les hannetons ont été éradiqués, donnant matière à la chanson de Frederik Mey. Et puis, depuis le début du XXIe siècle, ils réapparaissent, au point de menacer certains massifs forestiers, notamment en Alsace.

Entre infestation et éradication, si seulement nous pouvions trouver un équilibre, qui permettent aux cultures d’être protégées, aux hérissons de se nourrir, au risque de ne plus donner matière à la nostalgie du poète.


La belle église de la Bigottière, les hannetons, dans la forêt, nous venons de déranger un chevreuil…

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